Amis chèrement aimés ! Bien que la révélation de Bahá’u’lláh ait été délivrée au monde, l’ordre mondial que, de toute nécessité, cette révélation doit engendrer n’a pas encore vu le jour. Bien que l’âge héroïque de sa foi soit terminé, les énergies créatrices que cet âge a libérées ne se sont pas encore concrétisées sous la forme de cette société mondiale qui, une fois les temps accomplis, doit refléter l’éclat de sa gloire. Bien que la charpente de son ordre administratif ait été érigée et que la période de formation de l’ère bahá’íe ait débuté, cependant le royaume promis auquel le germe de ses institutions doit aboutir n’est pas encore inauguré. Bien que sa voix se soit élevée, et que les bannières de sa foi aient été hissées dans non moins de quarante pays de l’Est et de l’Ouest, cependant la race humaine entière n’a toutefois pas encore reconnu et proclamé son unité, et l’étendard de sa plus grande paix n’est pas encore hissé.
Les sommets, atteste Bahá’u’lláh lui-même, que par la très miséricordieuse faveur de Dieu, l’homme mortel peut atteindre en ce jour demeurent encore cachés à sa vue. Le monde de l’existence n’a jamais eu, ni ne possède encore, la faculté de recevoir une telle révélation. Le jour approche, cependant, où les potentialités d’une si grande faveur seront, en vertu de son commandement, manifestées aux hommes.
Pour que soit révélée une si grande faveur, une période de troubles intenses et de souffrance généralisée semblerait indispensable. Si resplendissant qu’ait été l’âge qui a témoigné du commencement de la mission confiée à Bahá’u’lláh, l’intervalle de temps qui doit s’écouler avant que cet âge porte son fruit le plus précieux doit être obscurci – et la chose apparaît avec une évidence toujours croissante – par les ténèbres morales et sociales qui, seules, peuvent préparer une humanité impénitente à recueillir la récompense dont son destin est d’hériter
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Nous entrons à présent dans une telle période d’un pas ferme et irrésistible. Parmi les ombres qui, chaque jour davantage, s’épaississent autour de nous, nous pouvons à peine discerner les faibles lueurs de la sublime souveraineté de Bahá’u’lláh qui, par instants, apparaissent à l’horizon de l’histoire. À nous qui sommes « la génération de la pénombre », qui vivons en un temps qu’on peut désigner comme la période d’incubation de la fédération mondiale envisagée par Bahá’u’lláh, à nous a été assignée une tâche dont nous ne pouvons jamais assez apprécier le haut privilège, et dont nous ne pouvons encore percevoir la difficulté que confusément. Nous pouvons bien croire, nous qui sommes appelés à éprouver l’action des forces des ténèbres destinées à libérer un torrent de souffrances atroces, que l’heure la plus sombre qui doit précéder l’aube de l’âge d’or de notre foi n’a pas encore sonné. Si profonde que soit l’obscurité qui encercle déjà le monde, les épreuves pénibles dont la terre doit être affligée ne sont encore qu’en préparation, et leur noirceur ne peut encore être imaginée. Nous nous trouvons au seuil d’un âge dont les convulsions proclament à la fois les affres de l’agonie de l’ordre ancien et les douleurs de l’enfantement du nouveau. Nous pouvons dire que ce nouvel ordre mondial a été conçu sous l’influence créatrice de la foi annoncée par Bahá’u’lláh. Nous pouvons, en ce moment, éprouver ses mouvements dans le sein d’un âge en travail, un âge qui attend l’heure fixée à laquelle il pourra déposer son fardeau et produire son plus beau fruit.
La terre entière, écrit Bahá’u’lláh, est à présent au stade de la gestation. Le jour approche où elle aura produit ses fruits les plus nobles, où auront jailli d’elle les arbres aux plus hautes cimes, les fleurs les plus enchanteresses, les plus célestes bénédictions. Immensément exaltée est la brise qui émane de la robe de ton Seigneur, le Glorifié ! Car voici qu’elle a exhalé son parfum et renouvelé toutes choses ! Heureux celui qui le comprend ! Les vents impétueux de la grâce divine, proclame-t-il dans la Súratu’l-Haykal, sont passés sur toutes choses. Chaque créature a été dotée de toutes les potentialités qu’elle peut porter. Et cependant, les peuples du monde ont refusé cette grâce ! Chaque arbre a été doté des fruits les meilleurs, chaque océan enrichi des gemmes les plus lumineuses. L’homme lui-même a été investi des dons de l’intelligence et du savoir. La création tout entière est devenue le réceptacle de la révélation du Très-Miséricordieux, et la terre le dépositaire des choses impénétrables à tous, sauf à Dieu, le Véritable, celui qui connaît les choses invisibles. Le temps approche où toute chose créée aura déposé son fardeau. Loué soit Dieu qui a accordé cette grâce embrassant toutes choses, tant visibles qu’invisibles !
L’appel de Dieu, en s’élevant, écrivit ‘Abdu’l-Bahá, a insufflé une vie nouvelle dans le corps de l’humanité et infusé un nouvel esprit dans toute la création. C’est pour cette raison que le monde a été remué en profondeur et que les coeurs et les consciences des hommes ont été vivifiés. Avant longtemps, les preuves de cette régénération seront révélées, et ceux qui dorment profondément seront éveillés.
(Shoghi Effendi, L’ordre mondial de Baha’u’llah)